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TOUT N’EST PAS (DU TOUT) DANS VOTRE TÊTE

Il y a quelques années, lors de notre Ramadan Rawha qui est une classe spéciale que nous organisons chaque année à l’Institut Rhoda, Shaykh Hamdi et moi avons enseigné à partir de l’ouvrage de l’Imam Al Ghazali, L’Alchimie du bonheur.

Il y avait ce passage qui m’a vraiment marqué, (même si tout est beau, perçant et avec cette concision dont l’Imam Al Ghazali est maître) :

« Il y a d’autres obstacles à l’atteinte de la vérité spirituelle. L’un d’entre eux est l’information qui nous parvient continuellement et que nous considérons ensuite comme un savoir. Pour utiliser une figure, le cœur peut être représenté comme un puits, et les cinq sens comme cinq courants qui lui apportent continuellement de l’eau. Les cinq sens apportent continuellement des perceptions et des informations, et celles-ci finissent toutes dans le cœur.

Afin de découvrir le contenu réel du cœur, ces flux doivent être arrêtés pendant un certain temps, et les déchets qu’ils ont apportés avec eux doivent être évacués du puits.

En d’autres termes, si nous voulons parvenir à une vérité spirituelle pure, nous devons mettre de côté, au moins pour un temps, les « connaissances » qui ont été acquises par des processus externes et qui finissent trop souvent par se figer et devenir des préjugés dogmatiques. Et nous devons mettre fin à l’afflux constant d’informations sensorielles qui submerge le calme intérieur et le véritable contenu du puits intérieur ».

L’imam Al Ghazali ne parle pas ici de connaissances religieuses en soi, mais de toutes les sortes d’informations sensorielles que nous recevons et que nous considérons ensuite comme des « connaissances ». Imaginez s’il voyait nos vies aujourd’hui, et les informations et la surcharge sensorielle que chacun d’entre nous ressent par le simple fait de consulter son téléphone.

Je pense que l’Imam Al Ghazali appellerait AU SECOURS ! Et nous précipiterait hors de ce bâtiment en feu dans lequel nous nous sommes enfermés. Nos propres pensées et sentiments authentiques sont étouffés par toutes sortes de données ou d’informations qui bombardent continuellement nos sens et notre cerveau. Nous considérons pour vérité tout ce que les médias nous disent, incapables d’aller au fond de nous-mêmes et de dire avec force et conviction : Je me sens en désaccord avec cela. Cela ne cadre pas avec ce que je sais et ce à quoi j’aspire. 

Ainsi, même les conceptions de base, les conceptions de la fitra, plantées par notre Seigneur en nos fors intérieurs, sont perdues pour nous. Nous ne pouvons plus entendre la voix intérieure à cause de toute cette agitation et cette cacophonie du monde qui nous entoure et qui nous envahit.

Même dans notre interaction avec notre foi, nous avons recouvert notre simplicité primitive originelle avec tant de complications. Quand j’étais jeune, je n’avais guère accès au « savoir islamique ». Mon père m’a appris à prier, à parler à Dieu tous les jours et à faire de bonnes choses, surtout le vendredi. sans avoir d’autres sources d’informations, je me rappelle pourtant d’un jour où, âgée de 10 ou 11 ans, après avoir effectué ma dernière prière du soir, j’en ai demandé davantage. C’était si doux, si agréable, que je me suis dis : pourquoi devrais-je m’arrêter ? Je veux continuer à prier. Et si ces deux cycles que je m’apprête à prier maintenant étaient ceux qui me sauverait le jour du Jugement dernier ? Et si Dieu voulait que je prie deux autres cycles ? Je ne peux pas m’en aller comme ça. Et ainsi, j’ai continué à prier. Quand j’ai grandi, c’est le sentiment de la présence de Dieu qui m’a pénétré lors de ces prières d’enfance qui m’a empêché d’abandonner complètement l’Islam.

Nous devons retrouver cette simplicité.

Je me souviens aussi qu’on m’a dit que nous n’atteindrons jamais la vraie piété tant que nous ne donnerons pas, pour le bien de notre Seigneur, ce que nous aimons le plus. Je me souviens d’avoir regardé un bijou que je possédais, un objet personnel que je chérissai, et de la lutte intérieure entre le désir de le garder et celui de le donner, et je me souviens de la la douceur que j’ai ressentie lorsque j’ai cédé et laissé la promesse de Dieu écraser toute opposition.

Ces deux expériences se sont déroulées sans aucune félicitation de l’extérieur, pas même de la part de mes parents. La Vérité pure a pu trouver une place dans mon cœur parce qu’enfant d’une autre époque, sans réseaux sociaux, mon cœur était dégagé, sans encombre.

Je me souviens d’une autre fois où j’avais tellement envie de donner le salam à un vieil homme dont je savais qu’il était musulman et qui vivait dans le quartier de ma grand-mère. Je me souviens du conflit intérieur entre la peur qu’il ne me réponde pas et la voix qui disait : donner le salam à un frère musulman est un devoir pour le musulman. Je devais avoir environ 9 ans.

Aujourd’hui, nous qui nous considérons comme religieux, nous agissons comme si nous étions si avancés et nous concevons notre foi avec une telle « connaissance » apparente, pourtant, nous oublions ces pulsions fondamentales ou bien elles ont disparu.

En cette période de quarantaine, combien d’entre nous ont envoyé un message de « Ramadan Mubarak » aux gens, surtout aux aînés de notre communauté ? De telles manières fondamentales devraient encadrer nos interactions et elles sont l’expression de la piété. 
Je me souviens que lorsque je suis allé en Syrie à l’âge de 19 ans alors animée par une quête de Vérité, et pleine d’une attitude très critique envers tout, j’ai été absolument et complètement enchantée par les belles manières du peuple syrien. D’ailleurs, s’il y avait quelque chose qui m’a retenu assez longtemps dans ce pays pour permettre à mes professeurs de travailler ma foi, c’était le beau comportement et les nobles manières des gens ordinaires que je rencontrais dans des situations anodines comme acheter du pain, monter dans un taxi, me perdre, ou encore attendre à un arrêt de bus devant l’université de Damas. 

Si nous ne revenons pas à l’essentiel, nous sommes condamnés à devenir les victimes des mesures mises en place pour lutter contre le virus. Notre véritable cœur sera submergé par la quantité de « déchets », comme le dit l’Imam Al Ghazali, générés par les réseaux sociaux qui se déversent au quotidien alors que nous sommes assis chez nous devant des écrans. 

Nous considérons pour vérité tout ce que les médias nous disent, incapables d’aller au fond de nous-mêmes et de dire avec force et conviction : Je me sens en désaccord avec cela. Cela ne cadre pas avec ce que je sais et ce à quoi j’aspire.

Ainsi, même les conceptions de base, les conceptions de la fitra, plantées par notre Seigneur en nos fors intérieurs, sont perdues pour nous. Nous ne pouvons plus entendre la voix intérieure à cause de toute cette agitation et cette cacophonie du monde qui nous entoure et qui nous envahit. 

Nous ne serons plus en mesure de savoir ce que nous ressentons, qui nous aimons, ce qui compte vraiment pour nous… La distance sociale deviendra notre norme et nous ne pourrons plus en sortir même si nous le pouvons… Le peine ressentie du fait de ne pas pouvoir rendre visite à nos proches s’est déjà adouci pour la plupart des gens. La douleur de ne pas pouvoir aller à la mosquée pour la prière du vendredi ou le Taraweeh s’est également estompée. Comment pouvons-nous, dans un tel état, être amenés à faire des actions telles que donner la charité, abandonner ce que nous aimons le plus pour le bien de notre Seigneur, en lui faisant confiance pour que l’au-delà soit la vraie vie ? Tout ce que nous déversons au quotidien dans nos cœurs nous dit le contraire. Que Dieu nous aide à sortir de cette fosse dans laquelle nous nous trouvons, qu’il renforce l’héritage des enseignements prophétiques afin qu’ils nous embrassent et nous motivent dans toute leur perfection originelle.

Puissions-nous cesser de remplir nos cœurs de détritus afin de créer un espace sûr pour que les enseignements de la Vérité puissent nous atteindre et réaliser leur alchimie en nous. Puissions-nous prolonger nos prières, donner davantage en aumône et nous sentir poussés par le Prophète (que Dieu continue de nourrir son être, sa lumière et notre connexion à lui) à répandre le salam, les paroles de bonté, de bienveillance, d’amour authentique afin de nourrir ce sentiment de lien qui dépasse ce bas monde.

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