En tant que communauté, nous devons accorder une place aux personnes qui sont profondément affectées par le fait de ne pas pouvoir aller à la mosquée pour Tarawih ce Ramadan… Y compris et surtout les hommes, même si dire cela peut paraître étrange, n’est-ce pas ?
C’est comme si les hommes n’avaient pas le droit de ressentir cette perte de quelque manière que ce soit, simplement parce que les femmes n’ont souvent pas la possibilité de se rendre à Tarawih (pour de nombreuses raisons, certaines compréhensibles et d’autres injustes).
J’ai grandi en voyant mon grand-père être le seul à assister à Tarawih. Même mon propre père n’y participait pas dans les premiers temps. (Ces dernières années, mes deux parents y sont allés – la mosquée locale a ouvert aujourd’hui un étage réservé aux femmes, par la Grâce de Dieu).
À l’époque, nous honorions TOUS la présence de mon grand-père à Tarawih. C’était comme s’il était notre délégué, notre représentant et qu’il y allait en notre nom à tous.
Je ne savais même pas vraiment ce qu’était le Tarawih à cette époque là, mais je me souviens avec une clarté absolue de l’honneur et de la dignité que mes proches lui accordaient en raison de la dévotion avec laquelle mon grand-père s’était adonné à cette pratique.
Cela vous surprendra peut-être si je vous disais que mon grand-père ne priait pas les 5 prières méditatives quotidiennes… Cependant, Tarawih était son moment de lumière. C’était son « sacré ».
Même mon frère qui n’était pas si religieux devenait comme un humble serviteur à l’heure où mon grand-père devait partir pour Tarawih. Il était souvent celui qui se levait le premier pour l’y conduire, et il insistait tellement que je finissais par me questionner sur son intérêt par rapport à tout cela.
Je ne savais même pas vraiment ce qu’était le Tarawih à cette époque là, mais je me souviens avec une clarté absolue de l’honneur et de la dignité que mes proches lui accordaient en raison de la dévotion avec laquelle mon grand-père s’était adonné à cette pratique.
Mon grand-père avait pour rituel de n’avoir comme iftar qu’une datte et une cigarette (oui, il a fumé toute sa vie), et il renonçait à prendre le repas principal – préparé avec tant d’amour – avec nous après la prière méditative du coucher du soleil. Il préférait avoir l’estomac vide pour pouvoir goûter à la lumière de Tarawih. J’ai vu comment ma famille a fait preuve de bienveillance, de gentillesse et de respect pour cette décision, sans jamais faire pression sur lui pour le convaincre de nous rejoindre à table ou de rester à la maison avec nous.
Permettez-moi de vous en dire plus.
Mon grand-père portait TOUJOURS un costume trois pièces, chaque fois qu’il sortait de la maison – ce qui n’était pas si fréquent. Il préférait rester à la maison, à regarder la télévision. Et même quand nous allions faire des courses et que nous réussissions à l’y traîner, il ne manquait pas de porter son costume trois pièces.
Mais pour Tarawih, c’était tout autre chose. Il se transformait en une magnifique silhouette de voilier. Du moins, c’est ainsi que mes yeux de petite fille le voyaient. Il échangeait son costume contre un qamis, ce long vêtement parfaitement blanc qui flottait tout autour de lui dans la brise du soir. Il avait l’air tellement digne, et prêt à s’envoler ou à naviguer.
Voici ce que fut mon initiation à Tarawih.
Tarawih était son moment de lumière. C’était son « sacré ».
Il est très important de ne pas banaliser la perte de Tarawih dans la mosquée cette année, ou d’en faire une question d’opposition entre hommes et femmes.
Pouvons-nous simplement nous permettre de ressentir le chagrin de ceux qui, autrefois, pouvaient étancher la soif de leur cœur (le sens littéral de « Tarawih ») durant ce moment sacré, et qui aujourd’hui en sont complètement privés ?
* Connaissez-vous quelqu’un pour qui Tarawih était son « sacré » ? Dites une petite prière pour lui ce soir.
Pas de Commentaire