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PARDON, MAIS DE QUELLE FAMILLE PARLEZ-VOUS ?

Toutes ces déclarations sur le fait de profiter du Ramadan en famille et prier avec des proches me sidèrent.

Il est clair que beaucoup de ceux qui tiennent ce genre de discours bénéficient d’un foyer dans lequel prier avec ses « proches » est une chose possible. Mais la vérité est que beaucoup de gens dans votre communauté et dans ce monde ne prient pas AVEC leurs proches mais POUR leurs proches.

Les gens que je connais comptent presque entièrement sur leurs connexions extérieures pour remplir le rôle de famille et de fratrie spirituelle. Ils ne vivent pas dans une famille nucléaire parfaite dans laquelle papa met son qamis et fait l’appel à la prière pour que tout le monde se réunisse.

Même lorsqu’il nous arrive d’entendre parler de famille sur un ton un peu plus réaliste sur les réseaux sociaux musulmans, ça reste une variante de la même histoire. Une famille de classe moyenne où la seule ombre au tableau de la perfection est de montrer à quel point les enfants peuvent se montrer peu coopérants et combien de vaisselle s’accumule dans l’évier. 
Sérieusement ?

Soyons honnêtes un instant. La réalité est qu’énormément de membres de cette Oumma – la communauté du Prophète de Dieu – sont des mères célibataires qui sont encore mariées. Leurs maris sont souvent engagés dans une addiction ou une autre, ou sur le banc de touche pour une raison ou une autre.
La réalité est que beaucoup de membres de cette communauté sont des hommes qui ont des épouses qui ne montrent absolument aucun intérêt pour chercher à vivre une foi qui va au-delà de la forme et de la pratique extérieure, et qui essayent de limiter ou même de détruire tout lien avec la religion qu’auraient leur mari.
Et beaucoup d’autres sont divorcé(e)s et gèrent leur foyers seuls. En gérant à la fois solitude et perte.

La vie à la maison est diverse et variée, et ça l’a toujours été. Toutes sortes de situations existent, certaines étant plus difficiles à supporter que d’autres. Et c’est pour cette raison que nous avons besoin de communauté.

On ne vit pas tous dans un scénario digne d’une série télévisée… et c’est normal ! Cela ne veut pas dire qu’on doit se sortir d’une telle situation. Ça ne veut pas dire qu’on se trouve dans une situation abusive ou dysfonctionnelle. C’est un contexte et on peut y survivre parce qu’il y a une vie au-delà de tout ça. La vie est bien plus vaste que la famille nucléaire !

Et qu’en est-il de celles et ceux qui sont célibataires, et qui passent le Ramadan seuls ou avec leurs colocataires ? Et qu’en est-il de toutes celles et ceux qui choisissent de ne pas se marier pour vivre avec leur parents âgés et prendre soin d’eux ?
Pourquoi est-ce que de tels profils ne figurent-ils pas dans nos histoires qui racontent à quoi ressemble une vie à la maison ? Et en parlant de « nucléaire », mon enseignante Dr. Tamara Gray appelle les femmes célibataires les « centrales énergétiques » de cette Oumma. Où êtes-vous donc, chères femmes célibataires !? Voilà une reconnaissance de qui vous êtes et de tout ce que vous faîtes !

Et qu’en est-il des couples âgés qui n’ont jamais eu d’enfants ou dont les enfants n’habitent pas à proximité… comment sont-ils censés faire ce Tarawih dont vous parlez ? 
(Ah, vous allez me dire que ce n’est de toute façon pas obligatoire, et vous serez ainsi complètement passés à côté de mon message.)

Et qu’en est-il des gens qui ont choisi cette Voie et qui vivent dans des maisons où ils sont les seuls musulmans ?

Vous POUVEZ faire l’expérience du cheminement spirituel même quand votre propre conjoint ou vos enfants ou parents ne participent pas !

Dans tous les exemples que j’ai cités, je ne fais que décrire les gens réels que je connais, que je sers, et que je suis honorée d’appeler MA FAMILLE, ma communauté locale, à l’Institut Rhoda (Rhoda Institute), à Ottawa, au Canada. 
Et il y a pleins d’autres gens qui sont aussi ma famille, mais qui se trouvent plus loin et qui vivent dans le monde tout entier. C’est ça, ma famille.

La vérité est que de telles familles où le plus grand combat consiste à savoir qui fera la vaisselle, et où le Tarawih à la maison est « une opportunité de resserrer les liens avec ses proches » constituent la minorité, et il est ridicule d’en faire une référence.

La vie à la maison est diverse et variée, et ça l’a toujours été. Toutes sortes de situations existent, certaines étant plus difficiles à supporter que d’autres. Et c’est pour cette raison que nous avons besoin de communauté. C’est pour cette raison que la communauté, la pratique collective et la fraternité avec d’autres êtres humains au-delà des liens du sang est un service essentiel, et pas seulement un truc sympa à avoir.

Et c’est pour cela qu’alimenter continuellement une image idéalisée de la famille musulmane, qui est d’ailleurs une reprise de l’image fabriquée de la famille nucléaire des années 50, et la présenter comme la seule réalité est injuste et crée de fausses attentes, de faux standards, et finalement, de l’insatisfaction.

Vous POUVEZ faire l’expérience du cheminement spirituel même quand votre propre conjoint ou vos enfants ou parents ne participent pas ! Oui ! Vous pouvez trouver une relation nourrissante avec un mentor, des frères et sœurs spirituels, et même des enfants spirituels (des gens à qui vous enseignez et dont vous êtes peut-être le mentor) qui deviennent votre vraie famille, l’unité qui vous garde en sécurité et en bonne santé.

Ces relations sont ce qui rend la vie épanouissante, et elles ne sont pas une « substitution » dérisoire d’une « vraie » famille ou une sorte de mécanisme d’adaptation et votre amour pour eux n’est PAS une faiblesse ! Vos frères et sœurs spirituels, vos parents, et enfants sont en fait la famille que le Prophète (que Dieu continue de nourrir son être, sa lumière et notre connexion à lui) nous a proposée.

Le discours actuel qui, sans cesse, suppose et insiste à dire que la famille nucléaire est suffisante pour nous tous est une escroquerie qui va à l’encontre de tout ce que Madinah représente, et il va à l’encontre de tout ce que le Prophète nous a enseigné. Il nous a enseigné que nos liens de fraternité et de sororité s’étendent bien au-delà du fait de partager le même ADN.

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